Même en enfer, il arrive qu'un ange passe

Comme le soleil commençait à décliner dans le ciel, Circé découvrait les nouveaux lieux dans lesquels elle se trouvait à présent. Elle se baladait dans une cour quand un doux fumet qui lui était si familier l'attira immédiatement, répandant en elle une douce chaleur presque maternelle. l'odeur des chevaux.

N'ayant plus qu'une seule idée en tête, elle se précipita dans le bâtiment d'où de légers bruits d'écurie venaient. C'est avec un grand sourire qu'elle entra et contempla les cheveux réunis. Elle fit le tour de tous les boxs, sans se soucier d'autre chose, caressant l'un après l'autre tous les équidés. Enfin, elle se décida à entrer dans le box d'un étalon du nom de Joker, attrapant une brosse douce au vol. Elle laissa l'animal la sentir, le caressa et commença à le brosser tout doucement, savourant sa présence réconfortante.

Alors que Circé dégustait le calme et la tranquillité paisible des chevaux (même Justino, un étalon noir, jeune, assez vif, semblait somnoler !), un claquement sec se fit entendre. Un bruit de pas. Pffff. Elle n'aurait donc jamais la paix ?!
Tournant le dos à l'inconnu qui s'approchait d'un pas dynamique, la jeune fille tenait tendrement la tête du bais tout contre elle, déposant un baiser sur son chanfrein. L'homme lui adressa la parole et, s'apprêtant à répliquer par des sarcasmes, elle se retourna et se retrouva nez-à-nez avec un charmant jeune homme blond au sourire ravageur. Immédiatement, son cynisme resta là où il était et un grand sourire naquit sur ses lèvres.

-Seulement si je peux sortir l'un ou l'autre cheval ensuite, marchanda-t-elle d'un petit air innocent.

Etant encore une pauvre petite ado perturbée par ses hormones en ébullition et si facilement charmée par un simple clin d'oeil et un ton de voix viril, Circé se laissa dire sans protester, chose rare ! Toute guillerette, elle se contenta de hocher docilement la tête et abandonna le bel étalon bai après lui avoir caressé tendrement les naseaux. Pour se faire pardonner, elle lui promit qu'il aurait un beau box bien douillet après ainsi qu'une petite balade en main pour le détendre.

Louchant de temps en temps vers le blond, Circé s'empara de la brouette et commença par le box d'un magnifique étalon espagnol nommé Fly (qu'elle ne put s'empêcher de caresser avec plein d'étoiles dans les yeux...ouhhhh, les longues crinières !! ) ... Venez par ici, les crottins !

Alors qu'elle était bien concentrée dans sa mission d'urgence et de survie, Circé ne prêtait plus trop attention au lieutenant, trop absorbée dans sa tâche. Elle s'attaquait au box de son petit chouchou (Joker) quand un tapage lui fit redresser le nez de ses chers petits crottins tout fumants. Avec de grands yeux, elle regarda le cheval d'ébène s'exciter quand le blond entra dans son box pour en ressortir tout aussi rapidement avec la bête excitée qui fut installé provisoirement dans un box vide.

Avant même qu'elle eut pu proposer son aide au jeune homme, celui-ci tirait tranquillement son t-shirt. Elle aussi, elle avait chaud ! elle avait toujours trouvé injuste que les hommes puissent ainsi se balader torse-nu tandis que ce serait l'indécence totale pour une fille.
-Pas besoin d'aide pour le ranger dans sa boite ? demanda-telle non sans humour (et non sans intérêt huhu).

Ne pouvant s'en empêcher, Circé leva les yeux au ciel en l'entendant refuser poliment son aide et se charger seul de ramener l'étalon endiablé à son box. Un vrai bad boy ! Elle sourit pour elle-même, piquant dans un tas de crottin et écouta tout de même le bruit infernal que faisait Justino, histoire de percevoir les cris d'agonie du lieutenant si jamais...Bref.

Celui-ci lui proposa à son tour son aide pour finir le box de Joker mais elle refusa à son tour, un peu honteuse. Il avait fait tous les boxs en un temps record... Elle, elle devait avoir un peu perdu la main !
-Ce n'est pas la peine, merci ! Je vais en avoir fini. Deux crottins et une plaque d'urine plus tard, la jeune fille, transpirante, sortit du box avec un sourire satisfait sur le visage :
-Mission accomplie !

Maintenant, la récompense héhéhé....

Sans se départir de sa bonne humeur, elle tapa sa paume sur celle du blond toujours torse-nu, détaillant plus ou moins discrètement ses traits par la même occasion. Un fumeur... En effet, l'odeur de la cigarette était imprégnée dans son environnement. Dommage ! x)
-Enchantée, Lieutenant Moore !

Et dire qu'elle n'avait même pas honte en ce moment de lui rendre service docilement, oubliant ainsi toute idée de rébellion quant au projet monstrueux qu'était ce camp. La culpabilité viendrait peut-être par la suite, qui sait...
-Circé Watson, se présenta-t-elle, pauvre petite recrue innocente.

Songeant déjà au cheval qui lui serait assigné, l'ado espérait avoir Joker, le bai si mignon et doux... Enfin, tout autre cheval conviendrait... Sauf peut-être Justino le Terrible qu'elle préférerait d'abord prendre le temps de connaître à pieds.

Un nouveau sourire étira les lèvres de Circé quand Alexander reprit l'adjectif "innocente". Contrairement aux idées toutes faites qu'elle se faisait des vilains lieutenants tout méchants et pas beaux, celui-ci détrompait bien ses préjugés, bonne leçon de morale ! Toute guillerette à la remarque lancée spontanément comme quoi elle pouvait choisir n'importe quel cheval, elle entra pour la troisième fois dans le box de Joker. Le lieutenant, quant à lui allait prendre Painted... Circé fut un peu surprise, elle pensait qu'il serait plutôt du genre intrépide à prendre le fameux Justino.

Prenant son temps, Circé acheva le pansage de l'étalon bai, caressant régulièrement le pelage doux et lustré. Pfiouuuu, ce qu'il faisait chaud ! Elle alla prendre le harnachement de l'étalon après s'être trompée de direction pour trouver la sellerie... et revint au box pour seller et brider le cheval enthousiaste.
-Hé oui, mon bonhomme : chose promise, chose due !

Observant le blond, Circé ne tarda pas à l'imiter et se retrouva derrière Painted et lui, tenant les rênes de Joker. Il attrapa un chapeau au vol... Aïe, c'est vrai que dehors, le soleil tapait déjà fortement et la jeune cavalière n'avait pas pensé à prendre de couvre-chef. Bho, avec un peu de chance, elle ne se choperait pas d'insolation, vivent les tignasses abondantes !
-Plus que jamais, répondit-elle d'une petite voix chantante, toute enthousiaste. C'est bien la première fois que je me réjouis de quelque chose depuis que je suis arrivée ici.

Tous deux sortirent tranquillement à l'extérieur, sous un soleil de plomb qui tirait déjà quelques gouttes de sueur à Circé, peu habituée à une telle chaleur. Sa peau blanche était accoutumée au froid et à la neige, donc, elle aurait un peu de mal.
-Wow, on ne risque pas de geler, en tous cas.

Au chapeau que lui tendait le lieutenant, Circé le remercia d'un hochement de tête agrémenté d'un sourire. Rien ne lui échappait... Par contre, lui... Il risquait d'avoir chaud, torse-nu, sous ce soleil de plomb. Mais après tout, il savait ce qu'il faisait et malgré ses cheveux blonds, sa peau était déjà très bronzée et accoutumée au soleil.
Elle posa donc le chapeau poussiéreux sur sa tête et se mit en selle avec légèreté, atterrissant doucement dans la selle. Elle resangla d'un trou et, imitant Alexander, ajusta les étriers à la bonne taille. Joker machouillait son mors et dansait un peu, heureux de sortir.
-Bon, he bien, je vous suis, chef ! lança-t-elle avec entrain en dirigeant son cheval à côté de celui du jeune homme, quoique légèrement en retrait. Elle ne manqua pas de remarquer qu'il se débrouillait vraiment bien à cheval... Ce n'était que très rarement qu'elle avait pu voir des cavaliers de sexe masculin.

Tout cela lui rappelait son bon vieux petit poney bai et le bonheur qu'il lui avait donné à chaque moment passé en sa compagnie.

En effet, l'ado sentait déjà sa peau irradier sous le soleil ! Mais elle était trop heureuse que pour y prêter attention, la sensation de monter à cheval, en charmant compagnie qui plus est, monopolisait ses pensées. Interrompant le bruit régulier des sabots et du couinement des cuirs, le lieutenant engagea la conversation.
-Un peu plus de deux semaines, maintenant ; je suis toute nouvelle.
Lui, il devait être là depuis pas mal de temps au vu de son grade... et si jeune ! Il devait sûrement apprécier ce "job" pour être devenu lieutenant ou alors c'était une manière d'avoir plus de chances de foutre le camp d'ici.
-Et vous ? demanda-t-elle finalement. Vous aimez ce que vous faites ?

Occupée à dévisager sans gêne aucune le lieutenant tandis qu'il fixait d'un air songeur quoiqu'amusé l'horizon, Circé attendait la réponse, impatiente, et tentait de déchiffrer les expressions d'Alexander, ce qui n'était pas toujours facile, lui semblait-il.
-Vous êtes un peu masochiste, quoi... lança-t-elle d'un air nonchalant pour résumer la situation alors que ses yeux brillaient de malice.
Il lui avait renvoyé la question, évidemment, et elle s'empressa de répondre fièrement :
-Contre mon gré ! J'étais ébahie en recevant cette lettre, mais encore plus en entendant mes parents s'enthousiasmer à l'idée que leur fille allait servir le pays... Moi qui allais chercher du réconfort auprès d'eux, j'étais servie...

Tout était calme autour d'eux et, cependant, pas un seul pépiement d'oiseau.

Elle le va les yeux au ciel à la réflexion qu'elle prit comme tendancieuse (bha oui, les hormones ) du lieutenant, mais n'en était pas moins amusée. Elle commençait à vraiment bien apprécier la compagnie spéciale du lieutenant dans cet asile de fou, ça lui faisait du bien !

-Comment ne pourrais-je pas leur en vouloir ? demanda-t-elle d'une voix plus basse, les yeux posés sur la crinière noire de sa monture. Elle se sentait trahie par ses propres parents, dégoutée même. Je commençais tout juste des études passionnantes.

Elle releva la tête, cherchant le regard d'Alexander :
-Je suis désolée si je vous blesse, mais... je ne vois vraiment pas comment on peut aimer ce camp. C'est un lieu d'abrutissement et de violence, c'est tout. De plus, on ne peut pas dire que mes rencontres soient génialissimmes : la seule personne qui ait daigné me parler se trouve à côté de moi en ce moment.

et blablabla

Pour toutes réponse à son blablatage intempestif, le lieutenant éclata de rire. Hem. é_è
-Se battre pour autre chose que soi, oui... Mais quand ce sont pour de gros connards à la tête du Gouvernement, pas fichu de gouverner correctement, justement, ça l'est moins ! La violence, la mort et le sang ne règleront rien : ou du moins, ce ne sera qu'éphémère !
C'était qu'elle s'emballait, la petite ! En croisant le regard d'Alexander, le rouge lui monta aux joues et elle baissa la tête, honteuse de sa spontanéité.

Sur ce, il sortit son paquet de suicide et commença à se suicider. Mais le rusé renard avait prévu l'emportement de la jeune fille et lui adressait un sourire à faire fondre toute une banquise.
La voix tout douce, avec un petit sourire charmant et battant des paupières, elle lui dit :
-Vous tenez tant que cela à mourir ? La guerre ne vous suffit donc pas ?